Text français

Je fais des petits trous… “ disait un poinçonneur du métro de la station Les Lilas à travers la célèbre chanson de Serge Gainsbourg.
Kagemann a contrario ne fait pas de petits trous mais une œuvre fondée sur une technique et une démarche originale, mélangeant pâte à papier, peinture et collage, elle donne à voir ce qui ne devrait pas être vu et ce grâce à l’agencement de perforation qui fait de cette absence la marque de sa propre présence.
Ce ne sont pas là les hublots du Yellow Submarine des Beatles donnant à voir un nouveau monde fantasmagorique – bien que ! – mais des fenêtres ouvertes sur le secret de l’athanor de l’artiste – puisque allant bien au-delà de l’œuvre, elle en dévoile l’au-dedans.
Et du langage de l’âme pour l’âme ses œuvres en réponse expriment l’âme qui est derrière l’âme, le miroir derrière le miroir, le reflet derrière le reflet, où ne se reflète justement aucun reflet.
Lorsque Gérard de Nerval eut entre ses mains sa photo-portrait prise par Nadar, il écrivit au verso : Je suis l’autre.
Cordula, sur le même fil poétique, est en ses œuvres l’au-dedans de l’au-delà de l’autre – un au-delà des songes qui préfigure l’au-dedans des signes.
Si jadis, les adeptes de la pierre philosophale ont tenté vainement de permuter le plomb en or, Cordula a quant à, elle sut permuter l’absence en présence et l’invisible en visible, en inversant les codes populairement admis – faisant oublier par là même qu’un trou de mémoire n’est pas forcément un vide, qu’il peut être une nouvelle prescience pour l’avenir, comme une nouvelle interprétation d’une lame que le tarot divinatoire lui-même n’aurait su deviner.
Aux poètes de la pléiade qui de dizains en sonnets se languissaient de moult absences, nous pouvons à présent répondre qu’il ne suffit que de savourer la présence absente pour en éliminer toute absence présente.

Pierre Jean Varet,  Musée Artcolle, Plémet, Frankreich 2016